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#Ordonnances #LoiTravail #CSE : Macron dans la logique de la Charte du travail de Pétain

«Il y a la France de La Fayette et il y a celle de Pétain. Certains commentaires nous poussent aujourd’hui vers la France de Pétain mais notre destin, aujourd’hui, dépend de notre esprit de conquête» déclaration d’Emmanuel Macron, le Point 30 Aout 2017

Les ordonnances Macron s’inscrivent dans le long processus de reconquête du patronat français pour reprendre au monde du travail toutes les conquêtes sociales que ce dernier, lui a arraché depuis plus d’un siècle. Le capitalisme ne supporte aucune résistance et aucun recul qui lui fasse perdre du pouvoir et, bien sûr, de l’argent.

Le long mais régulier détricotage de notre modèle social mis en place à la libération, en
1944, continue plus sûrement que notre capacité à conquérir de nouveaux acquis sociaux. Le
patronat français des années sombres de 1940 à 1945 a largement profité du régime nazi et
de celui de la collaboration. Les fascistes français, les opportunistes de tout poil, dont une
grande partie du patronat français se sont lancés, dans la collaboration avec le régime nazi
pour y trouver un intérêt à leur enrichissement personnel. Peu importe les conséquences pour le peuple et pour la patrie tout entière.

La Confédération Générale de la Production Française est créée en 1919 et rassemble le
patronat français dont le célèbre Comité des forges. Cette confédération, la CGPF, va se
compromettre sans complexe avec le fascisme. Elle contribue de façon active à la Cagoule,
aux groupes factieux jusqu’au putsch raté de 1934. Le mouvement populaire qui va s’ensuivre et la réaction du Peuple, qui va porter au pouvoir les élus du Front Populaire, va contrecarrer ses plans et le patronat va être obligé de subir les décisions de l’exécutif sur lequel, à l’époque il n’avait pas de prise au sein des mouvements de gauche. Les délégués du Personnel, les congés payés, la semaine de quarante heures, les Conventions collectives et surtout le fameux principe de faveur….un vrai camouflet pour le patronat français.

La CGPF aura une implication forte pour ne pas aider la République espagnole, va entraîner
un non-interventionnisme du gouvernement français du Front Populaire, les accords de Munich,avec les conséquences que l’on connaît et l’entrée dans une ère très sombre pour tous les peuples d’Europe avec l’avènement du nazisme.

Problème pour le patronat : il est très difficile d’annoncer du jour au lendemain au peuple du
travail : « tout ce vous venez d’obtenir on vous le supprime » au risque de se prendre une
révolution sur le museau.

Et comme « Business is business » il faut s’adapter et œuvrer pour reprendre la main, tout en gardant deux orientations majeures en tête : faire de l’argent et combattre le communisme qui est par essence incompatible avec le business.

La débâcle de 1940 va montrer la capacité d’adaptation du patronat français. Pétain et sa
clique de fascistes et autres voyous prennent le pouvoir et sont bien politiquement en phase, à quelques variantes près, avec le nazisme.

Les milieux patronaux sont maintenant au pouvoir. Il faut désormais adapter le monde du
travail aux caprices du Capitalisme. Mais les aspirations populaires qui ont abouti à 1936 ne
peuvent pas s’effacer comme cela. Alors, comme l’objectif est bien les deux orientations
majeures précédentes (faire de l’argent et combattre le Communisme), on laisse le soin au
Ministre du travail, René Belin, qui est un ancien dirigeant de la CGT (Membre du Bureau
Confédéral de la CGT de 1933 à 1940) de monter une Charte du Travail qui verrouille les
relations dans les entreprises, qui supprime la notion de lutte de classe avec une osmose entre le patron et les ouvriers. René Belin était le poulain de Léon Jouhaux au sein de la CGT  réunifiée et il aidera celui-ci à faire la scission de la CGT en 1947, car ce ministre de Pétain
qui aurait dû être fusillé, a été blanchi comme de nombreux hauts fonctionnaires (dont Maurice Papon et tant d’autres) dans l’intérêt bien sûr du Capital. Il aura dissous la CGT et la CFTC en1940 en tant que ministre et il aide au sabotage de la CGT en 1947.

Cette Charte du Travail publiée le 4 octobre 1941, va puiser dans le cahier revendicatif de la
CGT et le mettre à la sauce patronale. Le populisme pour mieux contrôler les peuples. Et René BELIN a tous les éléments pour faire cette sauce immonde.

Les questions de salaire et de Conventions collectives,
Les questions de formation professionnelle apprentissage, perfectionnement,reclassement, écoles de cadres, etc.,
L’élaboration des règlements relatifs à l’embauchage et au licenciement,
L’étude et l’application de mesures relatives à l’hygiène et à la sécurité du travail.

Dans ces articles 23 & 24 du comité social tout est dit : collaboration sur quelques points qui
pourraient éventuellement améliorer la vie des travailleurs mais pas touche à la partie
économique, qui est du ressort exclusif du Capitaliste. La notion de collaborateur dont nous
bassinent les directions des Groupes et entreprises vient de cette époque. Ce terme est
emblématique de cette période et de l’état d’esprit qui l’a bâtie.

LES COMITÉS SOCIAUX D’ENTREPRISES

ARTICLE 23. La -collaboration entre employeurs et salariés est obligatoirement organisée dans les établissements dont l’effectif est au moins égal à cent ouvriers ou employés, au sein de « Comités sociaux d’établissements » qui rassemblent le chef d’entreprise et des représentants de toutes les catégories du personnel.

ARTICLE 24. – Les Comités sociaux d’établissement réalisent au premier degré la collaboration sociale et professionnelle entre la direction et le personnel.
Leurs attributions excluent toute immixtion dans la conduite et la gestion de l’entreprise et dans les questions débordant le cadre de cette entreprise ; sous ces réserves, elles s’exercent dans la sens le plus large, notamment en vue de :

Aider la direction à résoudre les questions relatives au travail et à la vie du personnel
dans l’établissement,
Provoquer un échange d’informations mutuel sur toutes les questions intéressant la vie
sociale du personnel et des familles,
Réaliser les mesures d’entraide sociale dans le cadre d’activités du Comité social local
correspondant.

Leur mode de fonctionnement est laissé à leur propre initiative.

Ils sont placés sous l’autorité corporative et le contrôle du Comité social local de la profession.

Une mesure des ordonnances Macron s’inscrit dans cette logique de la Charte du travail de
Pétain. Elle passe assez inaperçue et pourtant elle a son importance. Les attributions
économiques du Comité d’entreprise se réduisent. En effet, la Commission économique peut
toujours mandater un expert pour analyser les comptes de l’entreprise et mettre en lumière les stratégies à moyen et long termes. Jusqu’à présent l’employeur avait obligation de prendre à sa charge les frais d’expert. Aujourd’hui, le Comité Social et Économique doit prendre 20 % des émoluments de l’expert sur sa dotation du 0,2 %

On devra s’attendre à ce que cette mesure devienne de plus en plus défavorable dans les
années qui viennent.

Appeler dans les ordonnances Macron cette instance « Comité Social et Economique (CSE) »
rejoint complètement la Charte du Travail qui avait supprimé les délégués du personnel au
profit de cette instance de collaboration appelée, en 1941, Comité Social d’Entreprise (CSE).
Car il s’agit bien de cela : le Comité ne doit surtout pas mettre son nez dans les affaires
économiques, qui sont du ressort exclusif du patronat. La création du Conseil d’entreprise
enfonce le clou car cette entité va gérer, en collaboration avec l’employeur, les relations
sociales dans l’entreprise.

Alors que les comités d’entreprise actuels ont bien été créés en 1945, sur proposition du
Conseil National de la Résistance, avec compétence économique, il y a bien évidemment une
campagne de presse qui va dénigrer le CNR au profit de Pétain.

Cet article de Libération de 2012 est de ce point vue évocateur : 

Les syndicalistes connaissent-ils les origines du comité d’entreprise (CE), de l’Inspection du
travail, des tickets-repas ? Ou pensent-ils que c’est un héritage du Front populaire ?

La révolution nationale de Pétain remplace la lutte des classes par des Commissions sociales.

Vichy a créé les CE avec l’argent prélevé sur la masse salariale qui permettra de développer
les villages de vacances, les loisirs en famille et toutes sortes de mesures sociales. Vichy invente les cantines – avant, les ouvriers venaient avec leur gamelle – et les tickets-repas qui fonctionnent comme les tickets de rationnement. La création du menu à prix fixe est également liée aux restrictions alimentaires pendant la guerre. Beaucoup de mesures sociales ont été attribuées, à tort, au Front populaire. Plus tard le général de Gaulle confiera dans ses
Mémoires, que «les doctrines sociales de la révolution nationale, organisation corporative, Charte du Travail, privilèges de la famille, comportaient des idées qui n’étaient pas sans intérêt».

Si vous allez sur Wikipédia, vous serez effarés de voir que c’est Pétain qui a créé les comités
d’entreprise et rien sur 1945.

Le fait que de Gaulle ait apprécié la Charte du Travail, au même titre que le patronat
français de l’époque et actuel montre bien que la lutte des classes est bien toujours là et ne
s’arrêtera que quand le système capitaliste aura disparu.

Le patronat français de la CGPF, qui s’est vautré dans la fange fasciste, a été puni par le CNR
et le gouvernement d’union nationale à la Libération en 1945. Il ne sera pas réhabilité par
l’ordonnance d’Alger du 27 juillet 1944 qui annule la Charte du Travail de Vichy et réhabilite
tous les syndicats de 1939, sauf la CGPF.

Le patronat se refera une santé avec la création du CNPF (Conseil National du Patronat
Français) en juin 1946 avec l’appui des forces politique de Droite
.

Les ordonnances Macron s’inscrivent donc bien dans un long processus logique et sciemment
orchestré par le patronat, quel que soit le gouvernement en place (on l’a vu en 2016 avec le
gouvernement dit socialiste et la Loi El Khomri). Le patronat ne lâche rien. Pourquoi les salariés devraient-ils lâcher ? Ils n’ont pas d’autres choix que la lutte, méthodique, puissante, organisée.

Vive notre CGT, vive la lutte des travailleurs et à bas le Capitalisme, pour un monde meilleur, plus juste, plus humain.

 

Source : Extrait de la Conférence FNIC CGT 31 Janvier & 1er Février 2018 – Quel avenir pour les Conventions collectives ? les défendre, les étendre. Intervention de l’Institut fédéral d’histoire sociale – Patrick Biondi (CGT Total – 92 La Défense)

Photo : ecosociosystemes.fr